


■ Niveau : 6ème ; Discipline : Histoire ; Thème du programme/ Thème 1. La longue histoire de l’humanité et des migrations – Premiers États, premières écritures.
Déclinaison de la compétence s’informer :
–ÉVALUER : L’enjeu est d’amener les élèves à évaluer des informations sur un sujet qui fait facilement « le buzz », en particulier sur les réseaux sociaux, plateformes vidéo et dans les médias en général. Cette évaluation a pour but de faire comprendre aux élèves comment se construit la connaissance à distinguer des opinions, rumeurs ou fausses informations. Il s’agira donc d’initier les élèves de 6ème à l’usage et la pratique de l’esprit critique défini par le CSEN « comme la capacité à calibrer correctement la confiance que l’on a dans certaines informations, grâce à un processus d’évaluation de la qualité épistémique de ces mêmes informations, en vue de prendre une décision. […] Le but est de conduire les élèves à mieux reconnaître, par des critères spécifiques, ce qui rend une source plus fiable »
https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/conseil_scientifique_education_nationale/Ressources_pedagogiques/VDEF_Eduquer_a_lesprit_critique_CSEN.pdf p. 96
Avant d’aborder les démarches épistémiques proprement dites, en histoire ou ailleurs, il convient d’initier les élèves à des termes souvent galvaudés et dont la maîtrise est nécessaire pour le faire. Le concept « d’esprit critique » en fait partie, ainsi que ceux de « théorie scientifique », « hypothèse scientifique », « modèle ».
Notions et mots-clés : esprit critique, connaissance, fausse information, hypothèse, modèle, pyramide.
Outil(s)/ressource(s) numérique(s) remarquable(s) :
-extraits du documentaire de Florence Tran, Kheops révélée (une co production Gedeon Programmes-NHK), 2007 disponible sur Youtube -site Passerelle[s] de la BNF (https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/chronologie/construction/e4b39b6a-0ebe-412d-8154-e39c3f994ff6-pyramide-kheops) -résumé par l’enseignant des propos du youtuber Squeezie sur les pyramides.
■ Description du moment numérique brièvement replacé dans la séquence : compter une séance de deux heures
Lors d’une dernière séance consacrée à l’étude de vestiges de l’Égypte antique, les élèves sont invités dans un travail de groupes à réfléchir sur un corpus documentaire de trois documents proposant différentes hypothèses sur la construction des pyramides.
Dans un premier temps, il leur est demandé d’identifier individuellement le document dans lequel ils ont le moins confiance et de justifier leur choix. Puis, il doivent confronter leurs points de vue avant que chaque groupe présente son bilan à la classe. Ce premier temps permet d’éliminer le document consacré au youtuber Squeezie sur lesquels les élèves se précipitent souvent en raison de la notoriété de celui-ci.
Temps de mise en commun :
o Le professeur peut alors présenter la première étape dans une démarche d’esprit critique : reconnaître ce qui nous paraît plausible ou pas, grâce à nos connaissances antérieures. Il peut également rappeler que nous avons tendance à aller facilement vers les informations qui nous semblent « bizarres, drôles, visuellement saillantes » (CORTECS).
o A noter : les élèves relèvent souvent facilement que Squeezie n’est pas un « spécialiste » de la question.
o Le professeur échange ensuite avec les élèves sur les motivations du youtuber. Le schéma « buzz » + « revenus publicitaires » en lien avec le nombre de vues d’une vidéo Youtube est expliqué. Les intentions de l’auteur sont donc clairement établies. Le fait que celui-ci n’ait pas retiré sa vidéo malgré les critiques et bien qu’il reconnaisse des propos « fantastiques », « sans reconnaissance scientifique » semble confirmer ses intentions. Une fausse information est ici mise en avant pour « faire le buzz », des vues et donc du profit. Plus de 10 million de personnes ont vu cette vidéo et plus de 550 000 l’ont « likée ». Le professeur amène les élèves à déduire que le nombre de vue ne signifie pas que la vidéo présente des informations vraies, dignes de confiance.
Deuxième temps : analyse des autres hypothèses sur la construction des pyramides. Les élèves sont invités à relever dans les deux autres documents les hypothèses proposées pour expliquer la construction des pyramides.
o Rampe extérieure frontale
o Rampe extérieure autour de la pyramide
o Rampe interne
Troisième temps : analyse d’extraits du documentaire Khéops révélée.
Un architecte français a donc proposé en 2007 l’hypothèse de la rampe interne qu’il a voulu démontrer. Cela permet de revenir sur ce qu’est une hypothèse à distinguer d’une simple « supposition ». L’architecte s’est ainsi appuyé sur des connaissances antérieures formulées par d’autres chercheurs pour penser son hypothèse. Il doit aussi la démontrer, trouver des preuves. Ce temps de recherche peut invalider son hypothèse de départ. Enfin, d’autres spécialistes doivent vérifier ses propos.
Pour apporter du crédit à son hypothèse, l’architecte a fait modéliser son hypothèse par ordinateur à des ingénieurs de Dassault système.
Une fois que les élèves ont relevé ces différents points, l’enseignant prend le temps de faire analyser les propos d’un ingénieur de Dassault système : « On a découvert en fait aucune impossibilité dans la théorie de Jean-Pierre. Bien sûr, on ne dit pas que ça s’est passé exactement comme ça parce qu’on n’était pas là pour le voir, mais on dit que ça aurait très bien pu se passer comme ça. ».
On en déduit que ces ingénieurs proposent un « modèle ». Mais tout ce travail de modélisation ne suffit pas à lui seul à prouver l’hypothèse comme le reconnaît honnêtement l’ingénieur. Donc, on ne sait pas encore parfaitement comment les pyramides ont été construites : il existe plusieurs hypothèses, mais les recherches actuelles n’en ont prouvé aucune de façon définitive.
Conclusion à faire avec les élèves : construire la connaissance prend du temps et demande l’intervention de nombreux spécialistes. Il vaut mieux dire « je ne sais pas » quand on a des incertitudes que raconter de fausses informations. Ceux qui s’imposent des règles et méthodes scientifiques pour informer sont « plus dignes de confiance ». Pour les reconnaître, il convient de connaître ces méthodes et de bien identifier leurs intentions quand même.
■ Mise en perspective (prérequis, prolongement dans démarche de progression…) :
o Un travail sur ces notions « d’hypothèse scientifique » et de « modèle » permet de revenir sur la notion de « théorie scientifique » abordé dans le premier chapitre de l’année consacré « aux débuts de l’humanité ». Les propos de Squeezie permettent de rappeler que la notion de « théorie scientifique » ne se confond pas avec le terme courant de « théorie » assimilée à une supposition parmi d’autres.
Remarque : la rhétorique complotiste s’appuie souvent sur cette confusion pour discréditer les recherches scientifiques et les mettre au même niveau que les opinions ou croyances diverses. D’où cet appel à « l’esprit critique » aussi chez les complotistes qui appellent à « ouvrir les yeux » et « douter de tout » dans une représentation du monde où tous les discours se valent de façon nihiliste.
o Avec ce travail, l’enseignant peut plus facilement ensuite expliciter les démarches épistémiques suivies en histoire et leur intérêt pour connaître le passé (identification des document, travail d’analyse des sources et croisement des sources…) Cela permet de travailler en particulier :
-l’identification d’un document (et en particulier les intentions de l’auteur)
-La réflexion sur la nature, le format du document et ses spécificités qui influent sur l’information contenue, diffusée, et donc ses finalités
– la distinction entre « connaissance » et « croyances », notions au cœur du programme de 6ème.
– Une référence à ce travail pourra également être faite lors de séances ultérieures d’analyse de documents qui font d’abord appel aux émotions pour convaincre (doc type publicité par exemple).
o Un travail d’EMI peut être fait sur un reportage de France 2 consacré à la question :
https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/egypte/en-egypte-le-mystere-de-la-pyramide-de-kheops-reste-entier_3114293.html
Cette ressource peut servir à la conclusion de la séance, mais servir également de ressource pour analyser le travail journalistique sur la question et la prudence de mise sur le sujet.
■ Point de vigilance :
Cette séance demande plusieurs points de vigilance importants.
o D’abord, si la grande majorité des élèves connaissent et apprécient le youtuber Squeezie, tous ne connaissent pas ses propos sur les pyramides, même s’ils sont capables de dire qu’il racontent souvent des choses « extraordinaires ou fantastiques ». L’enseignant devra donc vraiment mettre en avant pourquoi ces propos sont faux et revenir sur les raisons le plus possible. `Il devra également veiller à ce que les élèves n’aient pas directement accès à la vidéo ou source de celle-ci. Les documents distribués aux groupes sont donc ramassés en fin de séance.
o Ensuite, critiquer un youtuber d’une telle notoriété peut poser des problèmes avec des élèves si l’enseignant adopte une position frontale et de jugement. Il est donc très important que les élèves arrivent par eux-mêmes à comprendre que ces propos sont problématiques et ne sont pas du domaine des « connaissances ». La confiance non respectée envers les abonnés/followers est importante à mettre en avant si les élèves ne le font pas d’eux-mêmes (ce qu’ils font en général). Le travail de groupe, entre pairs, y contribue fortement. L’enseignant ne portera donc pas de jugement de valeur sur le youtuber, mais arrivera, avec les élèves, à la conclusion que les propos sont de fausses informations qui ont pour but de servir l’intérêt financier de l’auteur.
o En ce qui concerne le documentaire de 2007 : attention ! Là encore, si le documentaire peut être séduisant, on en reste à une hypothèse ! Le but est bien de faire comprendre cette notion aux élèves et celle de « connaissance ».
o La lecture du document du CSEN sur l’esprit critique ou d’ouvrages d’Elena Pasquinelli sur la question sont plus que conseillés.
Lien vers les fiches élèves et documents : https://nuage03.apps.education.fr/index.php/s/LtWN38kWeXjpD26
Jean-Emmanuel DUMOULIN/ Collèges Willy Mabrut (Bourg Lastic) / jean-emmanuel.dumoulin@ac-clermont.fr
