Lors de la 35ème édition des « Journées de l’Innovation et de la Recherche dans l’Enseignement de la Chimie », Delphine Pailler, Inspectrice Générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche, et Pascal Huguet, Directeur de Recherche au CNRS et Directeur du Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive, nous ont présenté les résultats d’une recherche portant sur la mise en place d’un enseignement assisté par le numérique au service de la réduction des inégalités socio-économiques d’élèves du secondaire.
Objectifs de la recherche
Les inégalités socio-économiques et leur impact sur la performance des élèves sont un enjeu majeur des recherches en sciences de l’éducation. Le statut socio-économique (socioeconomic status, SES en anglais) a déjà été mis en lumière, dans plusieurs pays, comme un facteur complexe influençant les chances de réussite des élèves dans les formations du supérieur.
Ainsi, cette étude cherche à objectiver l’impact d’un enseignement assisté par le numérique sur les performances des élèves, en comparaison à un enseignement classique, et sur la réduction des écarts de performances d’élèves de SES différents.
Un projet collaboratif à grande échelle
Cette recherche, issue d’un projet de recherche du LAPSCO (LAboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive) de Clermont-Ferrand en collaboration avec des partenaires privés de l’Académie de Clermont-Ferrand, a été menée entre 2016 et 2021 dans cette même académie.
Le développement de ce projet est une co-construction entre chercheurs et acteurs du monde de l’éducation (inspection et enseignants). En tout, près de 8000 élèves et 250 enseignants répartis dans 38 établissements publics d’enseignement local ont participé à l’étude. Après plus de 140 réunions de travail, les résultats d’une partie de la recherche, brièvement présentés dans cet article, ont été publiés dans le Journal of Computer Assisted Learning (lien de l’article complet en fin de page).
Le déroulement de l’étude
Les résultats présentés dans cet article concernent une étude menée auprès de 806 élèves du secondaire de l’Académie de Clermont-Ferrand. Ces élèves, scolarisés en classe de 5ème ou en classe de 2nde, ont tous été testés avant enseignement sur leurs connaissances en Physique-Chimie, SVT, Technologie ou Histoire-Géographie de l’année n-1 afin de mesurer leurs performances préalables. À l’aide de critères documentés par la recherche en sociologie, ces élèves ont été répartis en deux groupes selon leur statut socio-économique : SES « faible » ou SES « élevé ».
Par la suite, la moitié des élèves a suivi l’enseignement « classique » d’une notion au programme de l’année n (en Physique-Chimie, « masse et volume » en 5ème ou « mécanique newtonienne » en 2nde), tandis que l’autre moitié a suivi un enseignement assisté par un Système Tutoriel Intelligent (STI).
Enfin, tous les élèves ont été testés après enseignement sur la notion de l’année n concernée. La quantification des performances des élèves et la comparaison des résultats doit permettre de conclure sur l’efficacité d’un enseignement assisté d’un STI. Le principe de l’étude est résumé ci-dessous.
Le Système Tutoriel Intelligent
Le STI est un outil dynamique dont la conception est une collaboration des développeurs, des enseignants et des chercheurs, afin d’assurer une meilleure adéquation entre les connaissances du programme concernées et les objectifs pédagogiques visés. La sélection du contenu enseigné a été décidée et supervisée par des enseignants et inspecteurs de la discipline concernée.
Chaque élève suivant un enseignant assisté par STI a été muni d’une tablette et a interagi avec le STI pendant les séances de classes habituelles, en présence de leur enseignant. Le rôle de l’enseignant était d’introduire les notions abordées puis de laisser les élèves en autonomie avec le STI et d’intervenir en cas de besoin ou de questions. Il a été demandé aux élèves de ne pas travailler ensemble pour ne pas fausser les résultats.
Le STI permet une différenciation des contenus (schéma, texte, vidéo, …), de leur introduction (formelle, concrète, ludique, …) et des démarches d’apprentissage (étayage, remédiation, …) en fonction des actions, des erreurs et des succès de l’élève.
Résultats et discussion
En se basant sur une comparaison des résultats aux différents tests administrés aux élèves, les chercheurs ont pu établir que, d’une manière statistiquement significative :
– l’enseignement assisté par STI a amélioré les performances de tous les élèves, quel que soit leur statut socio-économique ;
– l’écart constaté entre les élèves désavantagés et privilégiés dans les résultats avant enseignement s’est maintenu après enseignement.
En d’autres termes, le STI améliore les performances de tous les élèves mais les l’écart reste constant entre des élèves de SES différents.
Si cette étude présente des résultats, elle n’en démontre pas les origines. Pour Delphine Pailler, une interprétation possible de ces résultats est le rôle du numérique qui devient un allié qui libère du temps pour l’enseignant, lui permettant d’apporter davantage d’aide aux élèves tout en prenant en charge les taches les plus complexes avec le groupe classe. L’Inspectrice Générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche soulève toutefois quelques points de vigilances, en particulier le syndrome du « clic fou », la lassitude possible en cas d’utilisation systématique du STI et la question de la trace écrite.
Pour en savoir plus
Lien de l’article complet : Johann Chevalère, Loreleï Cazenave, Mickaël Berthon, Ruben Martinez, Vincent Mazenod, et al.. Compensating the socioeconomic achievement gap with computer-assisted instruction. Journal of Computer Assisted Learning, 2022, 38 (2), pp.366-378.
